Haratch (1925-2009) : une voix arménienne dans la diaspora parisienne

« Avant tout, notre travail va consister à défendre toutes les choses sacrées qui donnent vie aux peuples et raniment leur foi pour de meilleurs jours. »

Chavarche Missakian, Haratch, numéro 1, 2 août 1925

Haratch (en arménien Յառաջ, littéralement « En Avant ») est un quotidien en langue arménienne, publié à Paris de 1925 à 2009. Il est reconnu comme le premier quotidien arménien en Europe.

Le journal fut fondé le 2 août 1925 par Chavarche Missakian (1884–1957) qui en resta le rédacteur en chef jusqu’à sa mort en janvier 1957. Sa fille, Arpik Missakian, lui succéda de 1957 jusqu'à la publication du dernier numéro, le 30 mai 2009. La parution fut suspendue le 9 juin 1940, en raison de l’occupation nazie de la France. Le 8 avril 1945, il devient le premier journal en langue étrangère à obtenir l’autorisation de paraître à la Libération.

Dans un premier temps trihebdomadaire, Haratch devient quotidien à partir du 1er janvier 1927. On dénombre 22 214 numéros du journal.

Haratch a été un lieu d’expression littéraire et journalistique de référence, attirant des plumes telles que Shahan Shahnour, Chavarche Nartouni, Zareh Vorpouni, Hrant-Samuel, Nichan Béchiktachlian, Jiraïr Missakian, Zoulal Kazandjian, Nigoghos Sarafian, Vazken Chouchanian, Khachig Tölölyan, Marc Nichanian, Haroutioun Kurkjian, Krikor Chahinian, Harout Gosdantian, Bedros Terzian ou encore Yves Ternon.

 

 

Dernier numéro paru, Numéro 22.214, samedi-dimanche 30-31 mai 2009. Au centre, photo du fondateur Chavarche Missakian

Dernier numéro paru, Numéro 22.214, samedi-dimanche 30-31 mai 2009. Au centre, photo du fondateur Chavarche Missakian

Haratch | Յառաջ, un quotidien aux côtés d’une communauté qui doit se structurer

Lorsque le journal vit le jour en 1925, son ambition dévoilée dans le premier éditorial était de donner des nouvelles du monde arménien, de créer du lien entre les lecteurs, en France et au-delà des frontières françaises, de cultiver le sentiment d’identité arménienne, de préserver la langue, d’offrir un lieu d’expression à la culture, aux coutumes, à la littérature et aux arts. Il s’agissait enfin d’ouvrir un espace où se repenser afin que les Arméniens puissent se renouveler en captant les opportunités de leur nouveau milieu de vie, en France. Dès sa parution, le journal documenta l’étendue de la communauté arménienne de France, le nombre d’Arméniens, leur provenance, l’établissement d’écoles, le nombre d’enfants scolarisés, travaillant ou en errance. Dès le premier numéro, une interview de l’évêque Grigoris Balakian précisait que la communauté était estimée à 42 500 personnes en France, 70 000 en comptant les 10 pays qui composaient alors l’Europe et jusqu’à 100 000 en incluant la Bulgarie. S’en suivirent plusieurs numéros avec des appels aux recensements auprès des lecteurs.

Le journal entreprit également de communiquer les nouvelles de la communauté arménienne, en dehors de la France, depuis les nombreux pays dans lesquels elle a trouvé refuge, en Europe ou dans le Moyen Orient, tout comme la situation en Turquie et en Arménie Soviétique. Le rayonnement international d’Haratch et son succès permettront à la communauté arménienne de France de « remplir ses responsabilités vis-à-vis des autres communautés arméniennes d’Europe ». Le journal relayait en outre les besoins pratiques et logistiques : recherche de personnes disparues, petites annonces de logement, locaux à vendre ou louer, adresses des médecins, cours de langue française ou d’arménien, événements culturels, parution de livres, messes et requiem, kiosques et points de vente, taux de change… prenant ainsi place dans la vie quotidienne de ses lecteurs.

Marale Garabed (13 mai 2024). Le journal Haratch | Յառաջ de 1925 à 1930, un maillon entre la France et sa communauté arménienne : histoire, société et anecdotes. Le Carreau de la BULAC. Consulté le 27 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/11nuo

Accéder à l'intégralité des numéros du périodique Haratch

Haratch dans les collections de la BULAC

L’importance et l’histoire de ce titre expliquent la présence du journal Haratch dans les collections de la BULAC, au côté d’une centaine d’autres titres de presse arméniens. Ces collections ne représentent toutefois qu’un faible échantillon du paysage de la presse arménienne en diaspora et présentent le défaut d’être souvent lacunaires.

Haratch dans les collections de la BULAC

Depuis 2010, la BULAC conserve la collection complète des 22 214 fascicules du quotidien, de ses origines à son dernier numéro.

Cette situation est le résultat de la volonté d’Arpik Missakian, épaulée par la journaliste Arpi Totoyan, qui ont décidé, à la fermeture du journal, de remettre l’ensemble de la collection de la rédaction à la BULAC, de beaux volumes in-folio soigneusement reliés.

Arpik Missakian consultant les journaux Haratch désormais conservés à la BULAC. Photographie issue de la bibliothèque privée d'Arpi Totoyan

Les fontes et plombs ainsi que les 2 marbres de fontes contenant les plaques de composition du dernier numéro du 30 mai 2009 furent offertes à l’association ARAM par Arpik Missakian et se trouvent dans les locaux de l’association. Le don était assorti d’une autorisation de numérisation à des fins scientifiques et culturelles. 

Chronologie

  • Avant 1925 : Parutions éphémères du périodique Haratch à Tiflis, Erzeroum, Bakou, Érévan
  • 1er août  1925 : Fondation à Paris, trihebdomadaire
  • 1  janvier  1927 : Passage au rythme quotidien
  • 9  juin  1940 – 8  avril  1945 : Suspension volontaire durant l’Occupation
  • 1957 : Création de l’imprimerie Haratch
  • 26  janvier 1957 : Décès du fondateur
  • 30  janvier 1957 : Arpik Missakian prend la direction
  • 1958 : Lancement de Haratch madenachar - Collection Haratch
  • 1973 : Installation à l’adresse définitive, 83 rue d’Hauteville
  • 5  décembre  1976 – 5  mai  2009 : Publication du supplément Midk ev Arvest
  • 30  mai  2009 : Dernier numéro publié (n°22 214)
  • 2011–2018 : Numérisation et mise en ligne par ARAM