Cette exposition-dossier sur l'Éthiopie contemporaine est construite autour d'une sélection de clichés réalisés entre 1983 et 2015 par Vincent Basuyau, ingénieur et ancien élève de l'Inalco.
L’Éthiopie est devenue le deuxième pôle démographique d’Afrique et le premier à l’Est du continent en dépit d’années de famine et de guerre civile. En bientôt un demi-siècle, ses effectifs ont été multipliés par quatre et les démographes estiment que cette population jeune augmentera de plus de 60 % jusqu’en 2050. Rappelons que 80 % des Éthiopiens se pressent sur un tiers du territoire national avec une densité moyenne plus de 250 habitants au km2.
Capitale récente d’un pays bimillénaire, Addis Abeba fut fondée par Menelik II (1889-1913) qui a doublé la superficie de la Grande Éthiopie. Elle fut, et est toujours, la porte d’entrée de la modernisation technique, culturelle et politique, le symbole et l’étendard de l’Éthiopie « moderne ». À la tête d’un réseau de caravanes et de villes fortes (kätäma) reliées au télégraphe au tournant du XXe siècle, à la voie ferrée (1917), à la route (sous l'Africa Orientale Italiana) et à un hub aérien (1946), elle impulse et transmet, par ses réseaux vers les périphéries, une onde de modernisation administrée par le haut.
Addis Abeba connut une première poussée de peuplement avec le chemin de fer et l’occupation italienne (1936-1941) et une croissance rapide avec l’installation de l’Organisation de l'unité africaine (1963) par l'empereur Haïlé Sélassié. Pendant la révolution (1974-1991), la ville a rencontré une période de stagnation due à la fermeture du pays puis une lente reprise jusqu’au conflit éthio-érythréen (1998-2000). Enfin, depuis une quinzaine d’années, l’accélération de l’exode rural a entraîné l’expansion « éruptive » de l’urbanisation au delà les limites étroites de la capitale et provoqué des émeutes en périphérie chez les paysans oromo dont les lopins de terres sont menacés. Addis Abeba est le cœur hypertrophié — avec 4 à 5 % seulement des effectifs totaux de l’Éthiopie — qui peine à moderniser un grand pays dont les dirigeants (et le peuple ?) aspirent à ce qu’il devienne une puissance régionale comme Menilek le revendiquait dès 1891.
Cet ensemble photographique contribue à réaliser un effet « zoom » sur l’Éthiopie qui, en proie à une crise de croissance sans précédent, cherche à demeurer elle-même tout en s’ouvrant plus que par le passé, avec inquiétude et circonspection, au monde extérieur.
Commissariat : Alain Gascon et Serge Dewel (ARESAE)
Conception graphique : Emile Page
Relation(s)
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